Marseille-Provence 2013, la Culture Capitale en 2013
Marseille-Provence 2013, Capitale Européenne de la Culture : Flash-back sur une année de Culture en capitales au cœur de la Provence et de la cité phocéenne. Un Mucem, des TransHumances, un Grand Atelier du Midi, des festins méditerranéens, une Nuit Industrielle ou encore un GR2013 what else ?
Une Capitale, de l’ambition européenne au projet territorial
Labelliser chaque année une ville européenne comme Capitale de la Culture et inciter au développement de projets novateurs de nature à renforcer le rayonnement de l’art sous toutes ses formes et d’une ville ou région dans toutes ses dimensions ? C’est un des objectifs du titre de Capitale Européenne de la Culture, imaginé en 1985, qui s’intègre aujourd’hui dans une ambition plus large de soutien au secteur culturel (considéré à la fois comme un outil de cohésion, de rayonnement et de développement économique) à l’image du dernier programme « Creative Europe 2014-2020 » lancé par l’Union Européenne.
Depuis presque 30 ans, le titre de Capitale Européenne de la Culture a ainsi été attribué, via appels à projets et sélection de haut niveau, à une cinquantaine de villes (deux villes titulaires par an depuis 2004). Pour n’en citer que quelques unes, Lille (et sa Forêt d’arbres renversés ou ses Maisons-Folies restées dans les annales) en 2004 ou Liverpool en 2008 qui ont connu une véritable résurrection artistique mais aussi économique et urbaine, Istanbul (pays tiers candidat) en 2010, les 9 co-capitales de l’an 2000, Tallinn et Turku en 2011, Glasgow en 1990, Athènes la première en 1985 et Marseille et Košice (Slovaquie) en 2013. En 2014, cap sur Umea (Suède) et Riga (la perle Art Nouveau lettone), puis suivront Mons (Belgique) et Plzeň (République Tchèque) en 2015, Donostia – San Sebastián (Espagne) et Wrocław (Pologne) en 2016, Aarhus (Danemark) et Paphos (Chypre) en 2017, et La Valette (Malte) et Leeuwarden (Pays-Bas) en 2018. Chaque pays étant tour à tour autorisé à présenter quelques villes candidates, le prochain tour pour la France sera en 2028 !
Lancé en 2004 et attribué en mai 2009, le projet de candidature de Marseille comme Capitale Européenne de la Culture s’est mué en projet culturel, politique et territorial et en plaidoyer pour promouvoir une autre image de la ville. Rapprocher Marseille la grecque, Arles la romaine, Salon la médiévale, Martigues et Istres les industrielles, Aix la culturelle, Aubagne la terrienne dans une dynamique commune et construire une programmation ambitieuse et originale mêlant les diverses inspirations culturelles propres à ce territoire entre Europe et Méditerranée constituaient le premier pari. Le deuxième était de satisfaire des publics et des attentes hétéroclites, pour l’amateur ou le béotien en art contemporain, en culture méditerranéenne, en peinture traditionnelle, en art lyrique ou de la rue. Le troisième était enfin de dessiner un fil conducteur tout en rénovant la ville-phare qui en avait bien besoin !
MP2013, des enjeux aux résultats, entre temps forts, place-to-be et initiatives originales
Car Marseille, c’est bien sûr son emblématique Vieux-Port, son Panier immortalisé dans une série-télé, ses calanques idylliques, son ambiance festive et méditerranéenne (ou pour les amateurs -mais y-en-a-t-il sur ce blog ?- son Stade culte censé être dédié au cyclo mais finalement dévolu au ballon rond) mais aussi ses quartiers chauds, ses affaires sulfureuses, sa criminalité dite galopante… et ses éboueurs en grève prolongée le jour de la visite de la délégation européenne pour évaluer la ville prétendante au titre de Capitale de la Culture… En plus d’associer des villes aux profils culturels et populationnels très différents (Aix la bourgeoise intello, Marseille la prolétaire…), le challenge de faire de Marseille une Capitale digne de ce nom était de taille ! Et pourtant ! En 2013, Marseille a relevé le défi et les premiers chiffres du bilan à fin novembre indiquent plus de 8 millions de visites, un week-end d’ouverture et des événements fédérateurs et populaires y compris auprès de la population locale, des expositions jugées de très bon niveau et quelques nouveaux lieux et gestes architecturaux salués par la critique ! Bref, en 2013, Marseille, transformée, est devenue incontournable dans l’agenda des globe-trotteurs trendy et des arty-addicts !
Trois épisodes pour une Capitale
Halte à l’unité de lieu et à l’unité de temps ! Marseille-Provence 2013, ce fut donc un an durant 5000 km2 (d’Arles à Marseille en passant par Salon-en-Provence, Martigues, Istres, Aix-en-Provence, Aubagne) vivant au rythme d’un parcours culturel et d’un récit artistique en 3 temps. Lors de la première phase (janvier-mai), MP2013 accueillait le monde en mettant en avant son ouverture et sa culture du métissage. Pour l’été, sous le titre d’Open Sky, l’idée était de célébrer la relation avec la nature et le paysage environnants. Enfin, de septembre à décembre, on a célébré la diversité des cultures autour de la Méditerranée.
Résultat ? 10 millions de visites selon les chiffres officiels. Et surtout quelques expositions-phares appréciées et des lieux renouvelés ou novateurs. Ainsi, Le Grand Atelier du Midi qui explorait la fascination exercée par la lumière et les couleurs de Provence aux XIXe et XXe siècles : de Van Gogh à Bonnard au Palais Longchamp (rénové et rouvert pour l’occasion), de Cézanne à Matisse au Musée Granet d’Aix-en-Provence, Picasso à Aubagne et Dufy à Martigues ou encore Signac, Buffet et consorts peignant les capitales méditerranéennes. L’exposition dédiée à « Le Corbusier et la question du brutalisme », qui prenait place dans le hangar J1 du quai de la Joliette reconverti en lieu d’exposition et plus si affinités, donnait une vision intéressante du travail de l’architecte Charles-Edouard Jeanneret qui a signé la célèbre (et controversée) Cité Radieuse de Marseille.
Autre temps fort, celui des TransHumances, proposant à travers une promenade poétique et participative (le concept est à la mode même dans le domaine de la culture !) de vivre une expérience partagée culturelle et philosophique. Il y avait quand même aussi des animaux (et 300000 spectateurs lors de l’arrivée à Marseille) ! Le 31 août, la Nuit était par contre Industrielle à Martigues afin de donner à voir autrement l’héritage industriel de la ville en lien avec les héritages musicaux d’autres grandes villes industrielles (Manchester, Berlin…). Un GR2013, un sentier métropolitain en forme de grand 8 entre Mer de Berre et Massif de l’Etoile, a même été créé pour inviter à redécouvrir les environs, très urbanisés mais réservant aussi des lieux à usage vivrier ou agricole, en hommage aussi aux pionniers de la randonnée pédestre locaux du XIXe siècle !
A Marseille, le Port-Vieux métamorphosé a connu « Les Flammes et les Flots » lors d’une performance inaugurale et lumineuse et lors des « Cuisines en Friche », place a été faite à un mix savoureux entre art et gastronomie tout comme lors des « Vendanges étoilées » ou d’ateliers euro-méditerranéens autour du pain (de la fougasse à la pita en passant par le pan-bagnat et la ciabatta).
Les Festivals d’Eté habituels (art lyrique à Aix, piano à La Roque-d’Anthéron…) s’étaient aussi associés à l’aventure annuelle et ont bénéficié de participations records. Autre cas, celui de Nîmes, « ville invitée » qui a présenté une exposition au Carré d’Art explorant les liens entre architecture et art contemporain dont le commissaire n’était pas moins que Norman Foster. Car, indéniablement, l’atout fort de Marseille-Provence 2013, était avant tout architectural et muséal avec l’ouverture ou la réouverture de lieux culturels majeurs.
Balade marseillaise entre Mucem et Panier, Belle de Mai et Joliette
Une dentelle d’acier qui encadre l’horizon et le Fort Saint Jean, une passerelle qui court entre deux siècles, un bâtiment sous la mer mais au porte-à-faux qui se détache sur le ciel, des quais réaménagés et réhabilités, un port métamorphosé : Marseille a changé. Et la balade dans les lieux historiques de cette ville tentaculaire est désormais rythmée de pauses culturelles.
Départ du Palais du Pharo, résidence impériale surplombée par l’imposant Fort Saint Nicolas, passage devant le théâtre de La Criée, labellisée scène nationale malgré son passé poissonneux, puis un détour par le quartier (en cours de réveil avec ses vitrines chics, ses boutiques de créateurs et ses bars à vins ou à crêpes tendance) des Arcenaulx, vestige de l’activité intense de la ville dans la construction des galères de l’ère romaine jusqu’au XVIIe siècle. Une traversée du Vieux Port en bac (oui, il y a un bac gratuit qui permet de traverser le Port !) plus tard, en laissant l’étonnante ombrière du quai de la Fraternité aux piétons (oui, la vision de sa propre silhouette inversée ou de celle de la foule qui s’y presse est surprenante !), l’ancien hôtel de ville, paré d’habits roses tout au long de MP2013, incite à remonter vers le célèbre Panier pour aller saluer le sympathique éléphant qui habite le parc de l’ancien
Hôtel-Dieu devenu grand hôtel et se poser dans l’atmosphère reposante de la Vieille Charité, et d’où l’on redescend par des ruelles et escaliers escarpés pour enfin retrouver l’horizon bleuté de la Méditerranée. Jusqu’alors occultée par d’hideuses voies rapides, la mer est désormais reliée à la ville par le Quai du Port, le Fort Saint Jean, le fabuleux Mucem et la surprenante Villa Méditerranée et l’exploration se poursuit grâce à la nouvelle Grande Digue du Large et jusqu’à la Joliette dont les mythiques entrepôts connaissent aussi une nouvelle jeunesse.
S’arrêter un instant (ou plus) sur ce J4 métamorphosé : ancienne esplanade portuaire laissée en friche depuis de longues années, le J4 est désormais la ballade qui symbolise le nouveau lien entre le cœur de ville et la mer et la place-to-be locale.
Il faut dire qu’elle est cernée par les deux bâtiments emblématiques de Marseille-Provence 2013 :
La Villa Méditerranée, voulue par la Région PACA pour y organiser colloques et expositions et inaugurée en avril, a été construite par Stefano Boeri qui y signe le plus grand porte-à-faux au monde (40 m !) surplombant un plan d’eau avec l’objectif d’un bâtiment s’ouvrant et accueillant la mer (d’ailleurs, le bâtiment a ses bases en dessous du niveau de la mer). L’autre attraction incontournable est le fameux MuCem, la star de MP2013 et l’emblème de ce nouveau front de mer (et nouveau Marseille ?), un extraordinaire Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) dessiné par l’architecte Rudy Ricciotti.
On découvre un bâtiment assez féérique, avec son écrin mural d’acier dentelé, son mini-jardin botanique aux essences méditerranéennes, son toit-terrasse, sa passerelle entre ancien (le Fort Saint Jean et ses 9 siècles d’histoire) et moderne (la partie J4). Bref, c’est assez fabuleux, et les trois espaces d’exposition, didactique ou plus éclectique, se parcourent avec grand plaisir (tout comme la pause sur l’une des terrasses ou dans l’un des cafés du lieu…).
En s’éloignant du Vieux-Port, on (re)découvre le nouveau FRAC réalisé par l’architecte japonais Kengo Kuma mais aussi le Musée des Beaux-Arts du Palais Longchamp et la bastide Borély, Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode, qui ont rouverts leurs portes, après de longues rénovations, sous le signe de MP2013. Encore un peu plus loin, la Friche de la Belle de Mai, ancienne manufacture des tabacs devenue espace d’expérimentation culturelle, a inauguré sa Tour-Panorama et la mythique Cité Radieuse accueille désormais un nouveau centre d’art en roof-top, le MaMo, signé Ora-Ito et qui accueillait Xavier Veilhan pour son exposition inaugurale. Au fait, pourquoi le MaMo ? Cela signifie Marseille-Modulor, en hommage au « nombre d’or » architectural, le Modulor, inventé par Le Corbusier en 1945 pour désigner une unité de mesure architecturale permettant de calculer au mieux le volume nécessaire dans un bâtiment et d’assurer ainsi un confort maximal dans les relations entre l’homme et son espace vital. Cqfd. Marseille, pionnière ?
City Trip culturel à Marseille et alentours : Carnet de bord
- Nourritures terrestres mais culturelles of course : au Mucem bien sûr et chez Gérard Passédat, chef 3 étoiles qui signe La Table et Le Bistrot du Môle Passédat. Ou encore Le Ventre de l’Architecte à la Cité Radieuse. Sinon, Le Grain de Sel (meilleur Bistrot du Fooding 2012) ou le bar à vins La Part des Anges.
- Trêve nocturne : Dormir dans une chambre conçue par Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, dans l’avant-gardiste Cité Radieuse imaginée par l’inventeur de « l’unité d’habitation » en réponse à la commande du Ministre de la Reconstruction en 1945 (www.gerardin-corbusier.com). Tout un programme !
Sinon, plus classique mais aussi plus luxe, une nuit (ou plus si on tombe sous le charme du lieu) dans la fabuleuse et luxueuse Villa Baulieu à Rognes (30 mn de Marseille) avec ses « suites d’hôtes » dans les vignes et son jacuzzi en haut d’une tour…