L’Histoire est à moi ! Le Printemps de Septembre met la création contemporaine à l’honneur à Toulouse du 28 septembre au 21 octobre 2012. Une quinzaine de lieux dans la ville, 40 artistes, un cabaret, 90 canards jaunes, 1 vente aux enchères… Vite, de l’art !
L’Histoire est à moi, l’Histoire est en nous : tel est le propos de l’édition 2012 qui a l’ambition de montrer comment un artiste d’aujourd’hui, voit, s’approprie, réinvente l’Histoire d’hier, celle avec un grand H, celle qui quelque part façonne l’histoire de chacun. Sous la direction artistique de Paul Ardenne, critique et historien d’art, le Printemps de Septembre 2012 veut semer le trouble : l’Histoire traitée comme un réservoir de références et de faits devenus sources d’inspiration mais surtout l’Histoire individualisée, telle qu’elle est rendue à travers l’histoire de l’individu et donc celle de ces 40 artistes sélectionnés pour cette 22e édition d’un festival qui parvient à placer Toulouse, enfin, sur le devant de la scène de l’art contemporain.
D’innombrables « représentations du monde »
Au travers d’une petite quinzaine de lieux d’exposition, qui sont souvent eux aussi des vestiges revisités du passé (les abattoirs de la ville transformés en musée d’art contemporain, un château d’eau du XIXe siècle, un ancien couvent devenu musée…), le visiteur rencontre 45 artistes ou collectifs d’artistes parmi lesquels AES+F, mounir fatmi, Pierre et Gilles, mais il faudrait tous les citer…
Au Château d’Eau, Renaud Auguste-Dormeuil, passionné par le sujet de la disparition et l’obsession sécuritaire, habitué des performances et enquêtes, présente The Day before_Star system, une collection de 12 photos de ciels étoilés. Mais ces voûtes célestes en apparence si tranquilles sont celles de « jours d’avant », restés, de la 2e guerre mondiale à aujourd’hui, tristement célèbres : Nagasaki, Guernica, Caen, New-York… Des nuits qui se ressemblent et donnent un étrange sentiment d’éternel recommencement… Dans la galerie supérieure, Bleda y Rosa explore elle le lien entre mémoire et oubli à travers sa série Memoriales, photos de lieux presque anodins, où seuls parfois un petit détail ou une légende rappellent où on se trouve.

Mona Hatoum. Jardin suspendu, installation (2012)
Numéro d’inventaire : FNAC 10-975. Centre national des arts plastiques
Crédit photo : Jérémy Calixte
Aux Abattoirs, la sélection est annoncée comme plus muséographique et expose 20 artistes reconnus, mêlant styles, médias et approches. La DRAC et sa somptueuse cour de l’Hôtel Saint Jean expose Mona Hatoum et son Jardin suspendu. Les Augustins font se côtoyer les caparaçons de Tïa-Calli Borlase, sculptures équestres qui ne dépareillent pas au milieu de la collection permanente d’un musée voué aux Beaux-Arts du Moyen-âge au XXe siècle. Dialogue de l’Histoire ? Au fil des lieux, on peut même faire avancer le temps à travers la sélection du Festival International des Ecoles d’Art qui expose 12 « jeunes talents » tout juste diplômés ou en passe de l’être. La relève de l’art / de l’Histoire est elle assurée ?
Au Bazacle, le fil de l’eau (le lieu est une usine hydroélectrique en bord de Garonne) rejoint le fil de l’Histoire narrée par l’inénarrable duo américain McDermott & McGough. Aux côtés de Schnabel, Warhol et Basquiat, le tandem anima la scène arty du New York des années 80 et présente ici à Toulouse son refus du temps linéaire, préférant faire cohabiter dans un joyeux ou plus triste mélange des genres, passé, présent et futur. Huiles sur toile ou photos inspirées des années 30, installations, vidéos, le travail de ce duo surprenant veut démontrer que l’art est une machine à remonter le temps. Car « le futur est aussi fait de ce qui a été les 5 dernières secondes, minutes, heures ou siècles ». Cqfd.
Nomades soirées, nomade festival…
Sous l’égide de la Fondation Cartier pour l’Art contemporain, les mémorables soirées nomades du Printemps reviennent avec, par exemple, une bibliothèque humaine ou une expédition de canards jaunes en plastique sur un glacier… Sarah Vanhee proposait elle une vente aux enchères d’idées brillantes mais non réalisées, affaire à suivre pour les heureux acquéreurs.

mounir fatmi
Les Temps Modernes, une Histoire de la Machine, projection (2009-2010)
Crédit photo: Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012
On retrouve aussi les projections lumineuses de Mounir Fatmi sur l’Hôtel-Dieu et le Cabaret (qui a perdu le bout de la nuit) lors des week-ends de ce printemps d’automne.
Plus loin, hors de Toulouse, le Printemps poursuit son voyage en région, du somptueux Pavillon Blanc de Colomiers au Musée de la Préhistoire du Mas d’Azil. Trois semaines pour un flash-back dans le temps, zoom avant, zoom arrière, seront nécessaires pour ceux qui veulent tout voir…
De la (pré) Histoire à l’avenir, la boucle est bouclée et l’avenir du Printemps de Septembre sera désormais au printemps comme son nom ne l’indiquait pas. Espérons que le soupçon d’impertinence apporté par le nom intriguant de ces saisons en décalage ne sera pas perdu avec ce changement. Rendez-vous fixé le 24 mai 2013. D’ici là, place au printemps en septembre !
Airbus through the eyes of Tony Soulié
Mention spéciale aussi à Tony Soulié, l’un des fers de lance de l’abstraction française, qui revisite pour Airbus la vie d’un hall d’assemblage, la carlingue d’un avion en construction ou les lumières d’un tableau de bord. On revient donc à l’Histoire, ici celle de l’aéronautique, vue par l’artiste.
Plus d’informations: www.printempsdeseptembre.com