Sculptures et dessins de lumière : Anthony McCall expose ses « Solid light works » aux Abattoirs de Toulouse. Poésie brute et lumineuse.
La première fois que j’ai découvert l’œuvre d’Anthony McCall, c’était au LIFE (Lieu International des Formes Emergentes), un lieu culturel atypique aménagé dans l’alvéole 14 de l’ancienne base sous-marine construite à Saint-Nazaire pendant la 2e Guerre Mondiale. A l’occasion d’Estuaire 2009, évènement culturel mettant l’art contemporain à l’honneur au fil de l’estuaire de la Loire entre Nantes et Saint-Nazaire, Anthony McCall investissait ce sombre univers de béton armé de ses lumières mouvantes. Choc visuel et choc émotionnel. Contraste entre ce lieu à l’histoire abrupte et la douce poésie de ces sculptures de lumière évanescentes. Un souvenir pérenne de ces œuvres lumineuses et éclairées, qui m’est restée en mémoire. C’est donc avec grand plaisir que j’ai découvert, quelques heures avant son inauguration et en présence de l’artiste, l’exposition que les Abattoirs de Toulouse consacrent à cet artiste britannique connu pour son travail au croisement de l’art conceptuel, de l’art minimal, de la performance et du cinéma expérimental.
A Toulouse, du 22 février au 5 mai, Anthony McCall investit le sous-sol des Abattoirs, et notamment la salle Picasso qui abrite périodiquement le fragile Rideau de Scène de l’artiste catalan. Mission : modifier la perception de l’espace-temps au sein du musée. Avec une mise en ambiance qui débute dans un dédale d’escaliers à travers les sous-sols des Abattoirs. Une porte s’ouvre et on aperçoit les « Solid Light Works » d’Anthony McCall qui éclaire peu à peu l’espace, dans lequel on perd pourtant ses repères, et même un peu son équilibre.
Trois créations, « Breath III », « You and I », « Skirt I » rythment l’espace de la fosse Picasso, halos mouvants dont on tente de deviner le parcours et l’évolution tout en se laissant enrober par ce brouillard lumineux. Au dessus, « You and I Horizontal », « Meeting with you » incarnent, pour la première fois en France, un échange entre les œuvres horizontales et les œuvres verticales de l’artiste. Echanges puis le silence, comme dans la dernière œuvre « Leaving » : pendant deux minutes, le bruit de flux et de reflux d’eau (la mer ?) et le trait du dessin lumineux s’arrêtent. Temps suspendu. Œuvre en suspens. Œuvre ou performance ? Sculpture ou dessin ? Brouillard (de gouttes microscopiques) ou lumière ? L’artiste parle d’expérience presque mystique, d’approche expérimentale, de son souhait d’un visiteur qui devient le performer, invité à s’impliquer dans l’œuvre qui prend forme sous ses yeux. Il est vrai que le paradoxe de ces Solid Light Works tient dans ce matériau qu’on ne peut toucher ni saisir mais qui happe le corps et l’attention. Dans ces lignes mutantes, qui avancent, cette œuvre en mouvement. Et la sensation de vertige qui saisit dans la semi-obscurité de ce brouillard lumineux. On ne s’en lasse pas…
Ressources poétiques
En parallèle, les Abattoirs proposent, sous le joli titre (en écho à Mc Call ?) de « Ressources Poétiques », un nouvel accrochage de la collection du musée. Mêler, confronter et conjuguer art moderne et art contemporain, pour découvrir les nouvelles acquisitions et redécouvrir les œuvres « historiques » à travers l’espace, là aussi repensé. « Gestes », « Répétition », « Reproduction », « Tempo », « Ressources naturelles… et poétiques », « Boro », « Syncope » et la prose du monde avec la collection Daniel Cordier : tout un programme !