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Les Alpes et les étoiles pour Marc Veyrat

Deux étoiles dans la sélection Michelin 2017 pour la nouvelle Maison des Bois de Marc Veyrat à Manigod. Rencontre avec un chef inclassable.

Marc Veyrat, l’homme au chapeau et aux étoiles. Alors que le Michelin 2017 récompense directement de 2 étoiles la nouvelle et magnifique Maison des Bois de Manigod, tout juste ouverte fin 2016, retour sur un entretien, paru dans le magazine SilverAge fin 2015, avec le grand chef, rencontré dans le non moins superbe Château de Massillan en Provence.

 

Marc Veyrat

L’homme au chapeau, du Mont Blanc aux étoiles

65 ans de passion pour la montagne, le terroir, les herbes : Marc Veyrat, le grand Chef Français aux 6 étoiles, réinvente au fil des épreuves sa cuisine et ses restaurants. Entre innovation et retour aux sources, « l’homme au chapeau » se livre en attendant la réouverture de la Maison des Bois.

Interview par Alexandra Foissacsilverage-mveyrat

Rencontre avec Marc Veyrat

Nous vous rencontrons au Château de Massillan, qui inaugure son potager bio. Que vous inspire ce lieu ?

Le Château de Massillan, au cœur de la Provence et au milieu des forêts et des vignes, est un endroit chargé d’histoire dans un terroir magnifique. Mais ce n’est pas qu’un très bel hôtel et restaurant, c’est un lieu de pédagogie et de vie, où mon ami Didier Perréol crée un système nouveau pour transmettre et apprendre, aux enfants et aux grands : retrouver une harmonie, une proximité avec la nature, le goût des choses… C’est un lieu et un état d’esprit qui me ressemblent. Comme ce potager, 2000 m2 cultivés en bio, à la main, avec intelligence : 120 variétés de tomates, n’est-ce pas merveilleux ?

Vous êtes l’un des plus grands noms de la cuisine française, seul Chef Français à avoir obtenu 20/20 au Gault Millau et 2 fois 3 étoiles au Guide Michelin, d’où vient votre cuisine ?

Ma cuisine vient de la terre et de mon enfance. J’ai eu une éducation simple, je vivais avec mes parents dans une ferme d’hôtes, on cultivait les légumes, on avait 20 vaches laitières, on fabriquait le reblochon, le cidre… Tout avoir sur place et apprendre à le valoriser, à le sublimer : c’est une source de jouissance extrême et si on comprend cela, on est le roi du monde ! Je revendique cet héritage : je suis fils de paysans et paysan moi-même. C’est le plus bel apprentissage qu’un cuisinier puisse avoir et c’est la chance inouïe que j’ai par rapport à mes collègues. Je suis né avec une cuillère aromatique dans la bouche. Ces arômes des Alpes magnifiques, de la terre qui produit, des herbes que je cueillais sur le chemin de l’école…

L’excellence exige une totale implication, est ce que cela vous permet d’avoir d’autres passions, d’autres engagements ?

J’aime la vie, j’aime la terre ! J’aime aussi la musique et les paysages, ceux des Alpes, les prairies, les forêts, les glaciers… Mais aussi ceux d’ailleurs comme le Japon, qui m’a beaucoup marqué, ou l’Italie, un autre merveilleux pays d’art de vivre et de terroirs. C’est cela que je défends et c’est l’objet de la fondation que j’ai créée : il faut préserver nos terroirs, promouvoir une alimentation saine et transmettre ces patrimoine et savoir-faire uniques.

Justement, quelles sont les valeurs que vous défendez et quel est le combat de votre vie ?

Mes combats, il y en a deux et ils sont étroitement liés : la lutte contre la malbouffe et la préservation de notre planète. Il faut prendre conscience que nous sommes otages des cycles de production, réapprendre à manger sain, arrêter la course éperdue de la société de consommation et cet effroyable gaspillage : on pourrait nourrir le reste de la planète avec ce qu’on gaspille ici ! Nous n’avons pas le droit d’annihiler la planète, de saccager cette terre qui donne tout. C’est pour cela qu’il faut réintroduire l’alimentation dans l’éducation : se nourrir est la base de tout, le carburant de tous ! Il faut retrouver et les repères qu’on a perdu et le sens de la nature à travers la cuisine.
Mes valeurs découlent de cela : la vérité, l’authenticité, le respect, la transmission. Et aussi l’identité : préserver les identités, régionales et nationales, est essentiel dans la mondialisation. Etre là mais aussi regarder ailleurs, s’inspirer mais ne pas plagier : je suis un grand voyageur mais je sais d’où je viens.

La vie ne vous a pas épargné, incendies de vos restaurants, grave accident de ski… D’où tirez-vous votre capacité à rebondir sans cesse, à vous réinventer, à innover ?

Je suis un passionné et peut-être même un fou ! On brûle mais on recommence tout ! J’aime mon métier, j’aime faire plaisir. Ce qui me pousse à continuer, c’est quand un jeune arrive chez moi et que je vois ses yeux qui pétillent, que je sens qu’il aime les autres, qu’il a de la passion et envie de faire ce métier. Dans ma nouvelle maison, je veux aussi faire revivre ce que j’ai connu enfant, cette capacité à vivre en autarcie, à produire, honnêtement et sans pesticides, ce qu’on consomme et ce qu’on offrira aux amis qui viendront à notre table. Mon père respectait la terre et j’ai reçu l’apprentissage de la terre. C’est cela que je veux transmettre et c’est pour cela que je recommence. Même si ce n’est pas facile.

Comment voyez-vous votre avenir ?

Simple ! On va vieillir en apportant du bonheur aux autres. Les travaux de ma nouvelle maison avancent : on a construit des caves souterraines, un four à pain, un fumoir, des bassins pour les poissons, on plantera des carottes dans le sable, des poireaux et des choux ! Remettre à l’honneur la nature, la botanique sauvage dans la cuisine : c’est inédit et pourtant c’est ancestral. J’ai la liberté de faire les choses comme je veux, de cuisiner comme la terre me l’a appris. J’ai tout eu dans la vie et aujourd’hui, j’ai la liberté de créer et d’être moi-même.

Et celui du monde ?

Je suis un optimiste-né et je suis confiant pour l’avenir du monde et celui de la terre : il y a une prise de conscience et on va vers le bon chemin. Et puis ce n’est pas la peine d’avoir des enfants si on n’est pas optimiste ! Comment les gens peuvent-ils être défaitistes ? La vie est géniale, le monde est génial et les jeunes sont géniaux ! L’avenir des jeunes me passionne et j’ai confiance en cette génération ouverte sur le monde mais qui ne veut pas perdre son identité.

Le grand chef que vous êtes nous donnerait il la recette du bonheur ?

La terre est source de bonheur. Se lever le matin face aux paysages hallucinants des Alpes et de la chaîne des Aravis, sentir l’odeur de l’humus et de la terre quand il vient de pleuvoir… Je ne suis pas un poète mais c’est ce que je vis tous les jours : la terre est source de spiritualité. Mon autre source de bonheur est l’amour des autres.

Une anecdote à nous confier ?

J’ai un ami qui s’appelle Jacques Weber, qui vient souvent ramasser les plantes dans la montagne avec moi. Un jour, il m’a dit « lorsque quelqu’un a un problème, tu devrais le prendre avec toi pour parcourir la nature ». La nature est essentielle, primordiale, ne l’oublions plus !

La renaissance de la Maison des Bois de Manigod

Ouverte en 2013 au Col de la Croix-Fry (1600 m) à Manigod en Haute-Savoie, la Maison des Bois était une maison d’hôtes 5 étoiles classée Relais & Châteaux. Esprit écolo-bio, table du chef, logis de luxe, école de cuisine, collection d’objets d’art populaire : c’était un lieu unique en son genre au cœur du Massif des Aravis. Ravagée par un incendie en mars 2015, la Maison des Bois rouvrira en juin 2016 avec la volonté de faire revivre le souvenir de la ferme d’enfance de Marc Veyrat. Restaurant étoilé et chalets d’hôtes sont au programme mais Marc Veyrat y accueillera aussi les enfants qui pourront découvrir la vie de la ferme, participer à la traite, s’initier à la fabrication du fromage, à la cueillette des herbes et au travail du potager. Transmission, passion et modernisme…

Album souvenirs / Parcours

  • Tout commence à Manigod

Né en mai 1950 à Annecy, Marc Veyrat passe son enfance à Manigod dans une ferme du Massif des Aravis où ses parents, issus d’une famille de paysans savoyards, créent des chambres et table d’hôtes. Cueillette d’herbes sur le chemin de l’école, tentative d’apprentissage en école hôtelière, petits boulots en montagne, Marc Veyrat ouvre finalement, à 28 ans, sa première auberge à Manigod avec sa sœur.

  • Le temps des restaurants et des étoiles

Marc Veyrat ouvre L’Eridan à Annecy et obtient une première étoile en 1986, puis une deuxième en 1987. En 1992 il crée L’Auberge de l’Eridan à Veyrier-du-Lac où la consécration de la 3e étoile arrive en 1995. En 1999, La Ferme de mon père voit le jour à Megève, bientôt couronnée par une seconde triple étoile. A Paris, Marc Veyrat lance le Roland Garros face au Court Central tandis qu’il réfléchit à un concept de restaurant écologique et lance en 2008 un concept novateur de fast-food bio.

  • La série noire

Deux incendies successifs en 2003 et 2004 ravagent l’Auberge de L’Eridan puis la Ferme de mon père, et un grave accident de ski en 2006 met « l’homme au chapeau » à terre pour de longs mois d’hospitalisation et rééducation. Marc Veyrat reconsidère son métier, vend ou loue ses restaurants et rend ses étoiles.

  • Le retour aux sources

En 2013, Marc Veyrat ouvre La Maison des Bois, un établissement écolo-bio dans la montagne de son enfance. Suite à un nouvel incendie début 2015, la Maison des Bois renaitra de ses cendres au printemps 2016.

marcveyrat-maisonbois marcveyrat-maisonboisinterieur

La Maison des Bois (Relais & Châteaux) par Marc Veyrat
Col de la Croix-Fry, 74230 MANIGOD
www.marcveyrat.fr

photg-marcveyrat Une adresse à découvrir en Provence:
Château de Massillan (Label Hôtels & Préférence)
730 Chemin de Massillan
84100 Uchaux
www.chateaudemassillan.fr

 

 

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